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sement dans le public et ne fussent pas commentées au désavantage de ses sentimens pour lui : ce qui, dans tous les cas, était d’un fâcheux exemple et était propre à mécontenter le président, dans la situation d’esprit où il se trouvait alors[1].

Quoi qu’il en soit, Boyer assista effectivement le général Borgella dans sa réclamation. Elle obtint un plein succès, parce qu’elle était fondée : — quant aux appointemens, sur le droit qu’avait ce général d’être payé au trésor comme ses collègues, — et quant à la maison, sur les documens qu’il exhiba et qui prouvèrent à Pétion que sa première décision était le fruit de l’erreur. Le président l’engagea alors à acheter cette propriété du domaine public[2]. Mais comme Boyer lui faisait de vifs reproches, d’avoir en quelque sorte oublié tous les services rendus au pays par Borgella, particulièrement en se soumettant à son autorité pour faire cesser la scission du Sud : circonstance, disait-il, où Borgella montra un patriotisme, un désintéressement et un dévouement rares, Pétion dit à ce dernier, en riant, mais avec un ton sarcastique : « À entendre Boyer aujourd’hui, ne dirait-on pas qu’il est plus votre ami que moi ? »

Si ces paroles semblent avoir été dictées par une réminiscence des lettres que lui écrivit Boyer, au moment où il allait opérer la pacification du Sud, par l’oubli sincère du passé, qui lui ramena tous ses anciens amis, elles ne

  1. À cette époque, on imputa à Boyer d’avoir critiqué les mesures financières de l’administration, en parlant aux Officiers du 3e régiment réunis au fort Lamarre ; et l’on dit que ses paroles furent de suite rapportées à Pétion. Il peut avoir été calomnié, mais cela s’est dit. Cependant, on verra que les premiers actes de sa présidence ont été d’accord avec ses opinions.
  2. Les formalités administratives ne permirent à Borgella de l’acheter qu’au mois de mai suivant, sous la présidence de Boyer.