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fâcheuse situation : elle accusait en quelque sorte le gouvernement d’avoir manqué de prévoyance, ou d’avoir été dupe de ses propres calculs en se promettant de faire ce qu’il était impuissant à exécuter. Aussi est-il certain, par ce que nous allons relater, que Pétion se montra fort préoccupé et contrarié de cette situation, alors, peut-être, qu’il éprouvait d’ailleurs un certain dégoût résultant de son état maladif depuis la fin de 1816 et de quelque autre particularité que l’histoire ne peut omettre, parce qu’il est de son devoir de tout exposer, dans l’intérêt de la vérité qu’elle doit préférer à toute autre considération.


Dans les derniers jours de janvier, le président manda auprès de lui trois commerçans haïtiens : Arrault, J.-F. Lespinasse et J. Thézan[1]. Il leur fit savoir que le trésor avait peu d’argent, dans le moment où toutes les parties prenantes s’attendaient à être payées, et qu’il désirait vivement cependant donner un mois de solde à l’armée qui n’en avait pas reçu depuis quelque temps. En conséquence, il demanda à ces commerçans s’ils ne pourraient pas faire au trésor une avance de fonds qui leur seraient remboursés par les premières recettes que l’on effectuerait, d’après les ordres qu’il venait de donner pour la perception des patentes et autres droits. Ils lui répondirent qu’entre eux trois, il ne leur serait pas possible de fournir la somme nécessaire, mais qu’ils feraient un appel aux autres commerçans nationaux pour y concourir de leurs moyens. Pétion paraissait regretter que la loi

  1. C’est J. Thézan qui m’a entretenu, longtemps après, des particularités qu’on va lire à ce sujet. F. Arrault était en même temps sénateur de la République, et les deux autres suges au tribunal de cassation.