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C’est alors que, témoin des efforts que faisaient ces anciens colons dans ce but, Billaud-Varenne dit à Pétion : « La plus grande faute que vous ayez commise, dans le cours de la révolution de ce pays, c’est de n’avoir pas sacrifié tous les colons jusqu’au dernier. En France, nous avons fait la même faute, en ne faisant pas périr jusqu’au dernier des Bourbons.  » Mais il tenait ce propos abominable, à un chef dont le cœur ne connut jamais la haine et qui considérait tous les hommes, comme des créatures d’un même Dieu, tout en sachant défendre les droits de sa race[1].


Les commissaires français, présumant que l’installation de Pétion avait dû être terminée, revinrent au Port-au-Prince le 23 octobre. Etant encore à bord de la Flore,

  1. Billaud-Varenne arriva au Port-au-Prince en janvier 1816, avec une femme noire de Cayenne, nommée Virginie. Libre et propriétaire dans cette colonie, Virginie vendit sa petite habitation pour le faire subsister, et le suivit au Mexique et aux États-Unis d’où il venait alors ; aussi il était très-attaché à cette femme à qui il légua quelques petites valeurs qu’il possédait en effets sur France. Après la mort de Billaud-Varenne, en 1819, le général Bonnet fit obtenir à Virginie le recouvrement de ces sommes, par ses relations de commerce avec la France, et elle put ainsi s’acheter une petite maison au Port-au-Prince.

    Un Français qui a connu Billaud-Varenne au Port-au-Prince, a écrit ces lignes en parlant de lui :

    « Son maintien était grave, sa parole brève ; sa figure pâle et maigre avait de la dignité. Sa taille assez haute et très-droite encore, contrastait avec son âge déjà avancé. Sa mise, d’une propreté remarquable, affectait la simplicité de celle des Quakers, et je le pris en effet, pour un de ces dignes habilans de la Pensylvanie. »

    Pétion avait d’abord fait une pension mensuelle a Billaud-Varenne ; puis il la lui faisait toucher en qualité de conseiller auprès du grand juge Sabourin. Après le départ des commissaires français, l’ex-conventionnel commença un ouvrage ayant pour titre : « QUESTION DU DROIT DES GENS : Les Républicains d’Haïti possèdent-ils les qualités requises pour obtenir la ratification de leur indépendance ? » Dans cet ouvrage, il traitait de la question de la traite et de l’esclavage des Africains, en faisant l’histoire de la révolution de Saint-Domingue jusqu’à son indépendance, dans un style énergique. Ce travail étant achevé peu avant la mort de Pétion, celui-ci le faisait imprimer ; mais Boyer en fit cesser l’im pression, dès son avènement à la présidence. Je dis ce dont je suis certain, étant alors employé à l’imprimerie nationale. Colombel recueillit le manuscrit de cet écrit qui disparut dans son naufrage, en 1823.