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était résolu à ne reconnaître désormais que le régime de la République, à n’obéir qu’au président Pétion qui était un chef humain. À ces paroles, prononcées avec énergie, tous les militaires de la 10e se manifestèrent en faveur de sa résolution, moins cependant le chef de bataillon Fleurant qui essaya d’émettre quelques observations ; mais Benjamin Noël ordonna de lui trancher la tête. Alors Fleurant s’excusa de n’avoir pas bien compris ses paroles, et déclara se ranger au parti qu’il venait de prendre. Le colonel, généreux, contremanda son ordre. Il se mit à la tête d’environ cent hommes et se rendit chez Almanjor, en ordonnant aux autres de rester aux casernes.

Almanjor était à table avec l’officier de garde, quand parut dans sa salle à manger, Pierre Sarthe, suivi des soldats du détachement qu’il commandait. « Que voulez-vous, officier ? » lui dit Almanjor d’un ton menaçant, en lui lançant aussitôt un pot d’argent qui lui servait à boire. Mais, voyant les soldats à sa suite, il saisit un couteau et sortit par une autre porte : là, il rencontra le colonel Benjamin Noël et son détachement, auquel ce dernier ordonna de faire feu sur lui. Almanjor montra du courage, mais étant blessé seulement, il fit le mort. Benjamin Noël commanda à un sapeur de lui trancher la tête, en rappelant le fait relatif au colonel Etienne Mentor, des Cayes, qui, laissé pour mort, avait échappé à la vengeance populaire. En ce moment, Almanjor dit : « Tuez-moi, mais ne me faites pas souffrir. »

Un nommé Noël Juré subit le même sort : c’était lui qui avait fait périr, par ordre de Ladouceur, les militaires de la 10e déserteurs durant le siège du Port-au-Prince.