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urgent de l’aider à entraîner les autres officiers et tout le corps de la 10e afin de décapiter Almanjor[1]. Ces quatre officiers répondirent à son attente et se mirent en devoir de gagner leurs camarades : ce qu’ils parvinrent à obtenir de la plupart, dans la même journée de la revue.

Benjamin Noël avait fixé le moment de l’exécution de son projet à l’heure consacrée à la prière du soir ; car, de même que l’hypocrite Toussaint Louverture, Christophe imposait a ses troupes l’obligation de prier Dieu, de chanter des cantiques dans leurs casernes, dans les vues de mieux s’assurer de leur soumission par ces pratiques de dévotion. Avant de s’y rendre, B. Noël chargea Pierre Sarthe de prendre un détachement et de se porter chez le général Almanjor pour l’arrêter, ou tout au moins l’empêcher d’aller aux casernes. Cet officier remplit d’autant plus facilement sa mission, qu’il avait gagné l’officier de garde et les autres militaires : ils le laissèrent s’approcher de la demeure d’Almanjor qui, vers sept heures et demie du soir, était au bain d’où il sortit pour se mettre à table.

Dans l’intervalle, le colonel Benjamin Noël se porta aux casernes avec une caisse de cartouches. Il harangua aussitôt ses soldats, en leur disant qu’il fallait, non pas prier, mais sauver leurs camarades, leurs frères, qu’Almanjor avait fait arrêter à la revue ; qu’il était temps de secouer le joug odieux de Christophe qui ne cessait de se baigner dans le sang des innocens, et qu’il

  1. B. Noël était officier de ce corps, lorsque Pétion l’entraîna a l’insurrection avec la 13e demi-brigade, au Haut-du-Cap, en 1802. Le souvenir de sa conduite dans la guerre de l’indépendance, devint en 1812 aussi puissant sur l’âme de B. Noël que sur celle de Mars Servant.