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lois ; et que si, dans certaines circonstances, il ne voulait pas en proposer ou ne croyait pas devoir le faire, le pays se trouverait privé de lois que la chambre ou le sénat jugerait utiles.

Sans doute, un chef bien intentionné, pouvant encore mieux connaître les besoins du pays que la chambre ou le sénat, — parce que l’exécutif est placé surtout pour cela, — on doit admettre qu’il y serait attentif. Cependant, la supposition que nous faisons rentrait dans ces dispositions de la constitution : de là pouvaient survenir des tiraillemens entre les grands pouvoirs de l’État, selon les circonstances[1].

Il n’y a nul doute, selon nous, que cette initiative accordée à son chef, de même que l’institution de la chambre des représentans, furent empruntées aux dispositions de la charte française de 1814. L’établissement, en France, du régime représentatif et parlementaire, modelé sur celui de la Grande-Bretagne, devait nécessairement influer sur les idées de Pétion, sur celles des hommes qu’il chargea de préparer le projet de constitution et des membres de l’assemblée de révision[2].

Peut-être Pétion considéra-t-il aussi que ce serait un moyen de faire cesser entre les départemens, ce sentiment de jalousie, ces principes opposés qui avaient occasionné la guerre civile existante alors et la scission du Sud, et qui tendaient à fractionner l’État, à l’affaiblir, à dissoudre l’unité politique dont Haïti a essentiellement

  1. Je dis, — selon les circonstances, — parce que les passions savent les exploiter. On peut remarquer cependant, que là où les chambres législatives ont aussi l’initiative de toutes les lois, il est rare qu’elles en fassent usage ; car elles ont ordinairement le bon sens de laisser ce soin au pouvoir exécutif.
  2. L’adoption du Code Napoléon, par ordre de Pétion, pendant les travaux de l’assemblée de révision, m’autorise à supposer qu’il y eut imitation de la charte de 1814.