Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque sorte ses droits à exercer la souveraineté sur l’ancienne partie française[1].

Dans l’état politique des citoyens, on remarquait deux articles nouveaux :

« 44. Tout Africain, Indien et ceux issus de leur sang, nés dans les colonies ou pays étrangers, qui viendraient résider dans la République, seront reconnus Haïtiens ; mais ils ne jouiront des droits de citoyen qu’après une année de résidence[2]. »

« 45. Aucun Haïtien ne pourra commencer sa carrière militaire qu’en qualité de simple soldat.  »

En parlant des actes de 1804, nous avons dit que le décret de Dessalines, rendu le 14 janvier, pour faciliter le retour à Haïti de tous les indigènes de ce pays que les événemens en avaient éloignés, avait établi un principe en faveur de l’admission de tous les hommes de la race noire. Tous les autres chefs qui concoururent à la déclaration de l’indépendance comprenaient aussi qu’ils fondaient une patrie qui pût servir de refuge à toute cette race proscrite.

Or, les colonies des Antilles et les autres pays de l’Amérique, ayant beaucoup de ces hommes qui pourraient, ou fuir l’esclavage auquel ils étaient assujétis, ou

  1. Cette disposition de la constitution n’étant que la manifestation d’une prétention de la part des Haïtiens, ne pouvait mécontenter l’Espagne autant que des secours publiquement avoués en faveur des Indépendans de la Côte-Ferme. D’ailleurs, Pétion n’ignorait pas que la majorité des naturels de l’Est partageait les opinions de Cyriaco Ramirez et de Juan Sanches en faveur des Haïtiens ; et en assurant le succès de Bolivar dans sa patrie, il préparait la réunion de l’Est à la République, par la propagation des idées d’indépendance. Un grand politique compte autant sur l’influence des idées que sur la puissance des armes.
  2. Il est entendu que de tels hommes ne seraient reconnus Haïtiens, qu’autant qu’ils le voudraient eux-mêmes ; car ils pouvaient fort bien résider en Haïti, en conservant leur nationalité primitive. Aussi le code civil a-t-il réglé ensuite ces questions secondaires. En n’usant pas de la faculté qui leur était accordée par la constitution, ils restaient étrangers et soumis, comme tous autres, aux lois de police et de sûreté du pays.