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au général Marion, que la ville de Carthagène étant tombée au pouvoir des royalistes espagnols, il devait arrêter toute exportation des grains et autres comestibles du port des Cayes : c’était en prévision des secours alimentaires qu’il faudrait donner aux indépendans qui y arrivèrent le 6. Et quoiqu’il apprît l’hospitalité qu’ils y reçurent, le 26, il ordonna à ce général de leur faire délivrer du magasin de l’État, à chacun, une ration journalière en pain et en salaisons. « C’est un acte d’humanité, dit-il, digne du gouvernement de la République. » Digne aussi, ajoutons-nous ; du chef qui honorait ainsi son pays.

Le 26, une autre lettre au général Marion lui prescrivit de mettre à la disposition de Bolivar, qu’il avait préalablement recommandé à ses attentions, 2,000 fusils et leurs baïonnettes et le plus de cartouches et de pierres à fusil qu’il pourrait. « Vous ferez sortir ces objets de l’arsenal, comme envoi fait à la Grande-Anse… Il est à propos que cela ne transpire pas, et je me repose sur les précautions que vous prendrez à cet égard. » Et Pétion indiquait comment ces objets devaient être transbordés sur un des navires indépendans. Par d’autres lettres, il ordonna de fournir à Bolivar de la poudre, du plomb, etc., toujours avec la même prétendue destination et les mêmes précautions. Ses motifs étaient qu’il ne fallait pas donner à penser que la République violait la neutralité qu’elle voulait garder entre l’Espagne et ses colonies en insurrection.

Pétion poussa même son scrupule à ce sujet, jusqu’à refuser une de ces satisfactions d’amour-propre que tout autre chef que luise fut empressé d’accepter. Le 8 février, Bolivar lui adressa des Cayes une lettre où il lui disait :