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vant les malheureux, de tout sexe et de tout âge, qu’ils étaient chargés de faire périr.

Dans le Nord, à l’est et à quelques lieues du Cap, le chef d’escadron Etienne Auba ou Obas, commandant d’une commune, les assembla et s’enfuit avec eux en passant dans la partie de l’Est. Ils arrivèrent tous au Port-au-Prince où Pétion les accueillit, en félicitant ce digne officier de sa vertueuse action, et en l’élevant au grade de colonel[1].

Plusieurs autres hommes de couleur s’échappèrent par la même route, des communes limitrophes de ce territoire, soit par leur propre impulsion, soit à l’aide du concours généreux qu’ils trouvèrent en leurs concitoyens, hommes ou femmes noirs. D’autres purent aussi se sauver des communes de l’Àrtibonite ; mais les vieillards, les femmes et leurs enfans, incapables d’énergie, succombèrent sous le fer des assassins.

Un beau trait de courage et d’humanité honora alors le capitaine Jaeques Louis, du 7e régiment, qui a eu depuis tant d’autres faits honorables dans sa conduite. Étant au Port-au-Prince, il eut avis par un de ses parens venu des environs de Saint-Marc, que sa femme de couleur laissée parmi eux se trouvait cachée avec d’autres malheureuses, du côté de la Rivière-Salée dont l’embouchure est dans la baie ; n’écoutant que son cœur, il partit sur un canot et se rendit sur les lieux où il eut le bonheur de les trouver. Le canot ne suffisant pas pour les prendre toutes à la fois, il en amena une

  1. Etienne Obas était le descendant du vénérable centenaire, portant le même nom, dont il a été parlé a la page 97 du 1er vol. de cet ouvrage. Il fut toujours digne de son aïeul, par une conduite honorable. Il avait abandonné ses propriétés et son bien-être pour suivre l’impulsion de son cœur ; mais Pétion lui en procura d’autres, et il devint sénateur de la République en 1815, général de brigade en 1820.