Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut annoncé et vint, escorté de ses aides de camp, occuper le fauteuil qui lui était réservé, en face de celui du président du Sénat. Après un moment de silence qui suivit le bruit des fanfares militaires et de la musique, Lys adressa à Pétion les paroles suivantes :

Général,

La plus importante obligation du Sénat est de placer à la tête du gouvernement de la République, un citoyen qui, par ses talens, ses vertus, son patriotisme et son dévouement, puisse procurer à la nation la somme de bonheur dont l’homme est si avide dans l’état social.

C’est cet esprit qui animale corps législatif, lorsqu’en mars 1807 il vous proclama Premier Magistrat de la République. Le Sénat ne crut alors mieux remplir le vœu de la nation et mieux récompenser vos vertus, qu’en vous plaçant à la tête du gouvernement avec le titre constitutionnel de Président d’Haïti.

Celui qui, le premier, prit les armes pour combattre et expulser les Français du pays qui nous a vus naître, et qui, bientôt après, s’arma contre un tyran sanguinaire qui déshonorait la nation, et qui, successivement, a repoussé loin de nos frontières l’usurpateur qui désole le Nord de cette île, devait nécessairement être proclamé le chef immédiat de la République. Dans cette première élection, le Sénat, heureux de son choix, en a connu toute l’importance par la sagesse de votre administration paternelle.

Les premières années qui ont suivi la fondation de la République devaient nécessairement être orageuses. Le vaisseau de l’État, confié à vos habiles mains, longtemps ballotté par les tempêtes révolutionnaires, est sorti sans danger de la tourmente qui l’agitait. Il voguait encore paisiblement, lorsque, par une cruelle fatalité, une main imprudente a agité le brandon de la division dans la République, une et indivisible. [1] Ce système trop déplorable aurait précipité la patrie dans un abîme de maux, sans la sagesse de vos mesures et les profondes méditations d’une politique raisonnée et basée sur l’humanité.

  1. Allusion a Rigaud et à la scission du Sud.