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leur remit sa réponse à la dépêche de Prévost, en leur souhaitant bon voyage, et surtout la conservation de leurs têtes [1]. Ils furent reconduits jusqu’aux avant-postes, d’où ils continuèrent leur route.

La réponse de Pétion fut ce qu’elle devait être : une revue rétrospective de sa conduite, comparée à celle de Christophe ; des événemens qui amenèrent la guerre civile actuelle et qui firent de Christophe un rebelle à la volonté nationale ; l’assurance de nouveau donnée qu’il saurait défendre l’indépendance du pays. Et à ce sujet, il dit à Prévost : « Vous me parlez, Monsieur le général, d’amnistie, de pardon, d’oubli du passé, d’autorité paternelle, de monarque, de grades, de distinctions, de titres de noblesse héréditaire ? Nous étions bien éloignés de ces idées bizarres et inconvenantes, quand je sollicitai le général Christophe à sortir du Cap pour se soustraire à la potence, et quand je réveillai sa méfiance contre les Français qu’il connaissait si mal, que peu de temps auparavant il avait confié son fils au général Boudet pour le conduire en France… C’est cependant lui qui veut bien nous pardonner, nous élever à la noblesse héréditaire et nous décorer de ses ordres !… »

Le même jour, le président publia une proclamation au peuple et à l’armée, où il leur rendit compte de la ridicule mission envoyée par Christophe, en leur disant : « Sa royauté est une chimère : un peu plus tôt, un peu plus tard, nous serons réunis… ce moment désiré ne peut manquer d’arriver[2]. »

  1. Quelque temps après, Dupont mourut ; et l’on soupçonna généralement qu’il périt par ordre de Christophe, pour avoir été mieux accueilli que les autres envoyés par Pétion, qui n’avait fait cependant que céder au souvenir de leur commun malheur. Mais Christophe était le représentant de Toussaint Louverture !
  2. C’était le même langage qu’il tenait en 1807, quand Gérin lui faisait opposition. Ses