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sotte imitation de la mission envoyée à Haïti par le gouvernement français, si l’intention de Christophe ne perçait pas à travers toutes les paroles d’union et de défense commune, consignées dans la lettre de son ministre. Ce cruel savait que l’expiration des fonctions de la présidence de Pétion aurait lieu le 9 mars ; et après l’avoir déjà accusé, dans ses actes imprimés lors de l’arrestation de Franco de Médina, de complicité avec la France pour rétablir l’esclavage à Haïti, il voulut tenter, par ses envoyés, de le dépopulariser parmi les noirs de la République, en expédiant de nouveau tous ses écrits qui tendaient également à jeter du soupçon sur les hommes de couleur. Sa férocité ne l’aveuglait pas au point de l’empêcher de pressentir, que la conduite de Pétion envers D. Lavaysse, si différente de la sienne envers l’autre agent, allait établir une opinion honorable de Pétion en Europe ; et sa jalousie farouche lui fit mettre tout en jeu pour le perdre aux yeux des Haïtiens.

Loin de redouter ces trames royales, de cacher au peuple la lettre et les autres écrits que lui remit Dupont, le président en fit donner lecture à haute voix, à tout cet immense auditoire de tous rangs qui se pressait autour de lui. Pas un seul citoyen ne manifesta un sentiment d’indignation en cette occasion ; le ridicule seul couvrit chacune des phrases de la lettre de Prévost, et plus d’une voix murmura encore : « Pangnols ! Mardigras ! »

On n’avait jamais vu Pétion lui-même aussi gai, aussi sarcastique. Il ménagea trois des envoyés ; mais il reprocha à Ferrier de s’être sauvé, à Jacmel, d’une manière bien peu digne d’un homme qui avait eu l’honneur d’être revêtu de la dignité de sénateur, puisqu’il avait trompé ses créanciers et emporté leurs fonds en fuyant, quand ils