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antécédens, lui remit une lettre datée du 10 février et écrite du palais de Sans-Souci, par Prévost, comte de Limonade, lieutenant-général, secrétaire d’État et ministre des affaires étrangères. Il lui remit également les divers imprimés que Christophe avait déjà fait jeter en paquets à nos avant-postes.

La lettre de Prévost était basée sur la nécessité d’une prompte réunion de tous les Haïtiens sous l’autorité de son maître, pour pouvoir résister efficacement aux prochaines attaques dont la France les menaçait ; et elle supposait, ou plutôt établissait comme une certitude, que le vœu et les dispositions des citoyens de la République étaient en faveur d’une telle soumission ; qu’il ne dépendait que de Pétion de leur en laisser la faculté. À ces causes, Prévost offrait six points de garantie de la parole royale, notamment la conservation du grade et du commandement de Pétion dans la province de l’Ouest. Comme s’il craignait que le président n’eût voulu cacher au peuple ces propositions absurdes, Prévost l’invitait, de par son Roi, à en donner connaissance à tous. Mais, tout en lui promettant l’oubli du passé, il énumérait une foule d’accusations contre Pétion, résultant des interrogatoires de Franco de Médina, et terminait cependant par lui dire : « Réfléchissez attentivement, général, sur toutes les considérations de ma lettre. Il dépend de vous qu’elle ne soit qu’entre le Roi et vous, etc.[1] »

Une telle démarche n’eût été qu’une absurdité, une

  1. Les instructions de Malouet portaient 7 catégories dans ses classifications coloniales : il fallait bien que le Roi d’Haïti le singeât, même en cela. Toute la différence qui existait entre les deux gouvernemens, c’est que le premier prescrivait un grand secret dans l’intérêt du but qu’il voulait atteindre, tandis que le second sollicitait la plus grande publicité pour parvenir au sien. L’un resta scandalisé de la divulgation de son secret, l’autre regretta d’avoir demandé cette publicité.