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Et ce ne fut cependant que le 8 janvier 1817, que Louis XVIII publia une ordonnance par laquelle il interdit la traite à tous les Français[1]. Mais alors, il s’était déjà décidé à envoyer à Haïti des commissaires pour essayer de nouveau d’y faire proclamer sa souveraineté, et ils étaient de retour en France de leur mission infructueuse.

La conclusion que nous tirons de toutes les publications faites, tant en Haïti qu’en Europe, sur la malencontreuse tentative du gouvernement français, en 1814 ; des graves événemens survenus en France, en 1815, et des diverses déclarations en faveur de l’abolition de la traite des noirs, c’est que :

1° La résolution manifestée par les deux chefs d’Haïti et leurs concitoyens, de combattre à outrance pour défendre la liberté, l’indépendance et la souveraineté de leur pays, porta la France à réfléchir sur l’injustice qu’il y aurait d’attaquer un tel peuple, et sur les cruautés qu’il faudrait commettre dans une pareille entreprise[2].

En présence de l’Europe, demandant à grands cris la cessation du trafic odieux qu’elle avait fait depuis trois siècles, la France dut céder à cette intervention dictée par l’humanité et la religion, en renonçant au privilège qu’elle s’était réservé pour pouvoir remplacer la population haïtienne, si elle en triomphait. Elle dut céder encore, en considération des offres équitables faites par l’un des

  1. En citant cette ordonnance et deux lois rendues en France sur l’abolition de la traite, le 15 avril 1818 et le 25 avril 1827, M. Lepelletier de Saint-Rémy ajoute : « Leur application ne fut jamais sincère.  »

    Nous aimons cet aveu qui fait apprécier les Bourbons de la branche aînée. Sous Louis Philippe, une dernière loi du 4 mars 1831, mit réellement un terme à la traite dans les colonies françaises.

  2. Quand nous publierons les faits de 1821, nous citerons un document du ministère français où cet aveu est consigné : il fait honneur au duc de Richelieu qui présidait ce ministère, et aux hommes d’État qui l’assistèrent en cette occasion.