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considérations qui se rattachaient à la situation extérieure et intérieure du pays.

À l’égard des premières, il ne pouvait, méconnaître le devoir imposé au gouvernement français, de tout tenter pour recouvrer l’ancienne colonie qui avait enrichi la France, et par suite, pour rétablir les colons dans leurs biens fonciers : devoir qui lui donnait le droit d’employer même la voie des armes, ainsi que les puissances de l’Europe l’avaient reconnu ouvertement ou secrètement par des traités. Tout en essayant d’obtenir la médiation du gouvernement britannique pour arriver à un arrangement avec la France, Pétion ne pouvait se faire des illusions à ce sujet, puisque depuis dix ans qu’Haïti avait proclamé son indépendance, la Grande-Bretagne, quoique en guerre avec la France, n’avait pas voulu reconnaître cette indépendance, et ne s’était bornée qu’à émettre l’insuffisant Ordre en conseil du 14 décembre 1808. Haïti était donc menacée de la guerre, et d’autant plus sûrement, que le gouvernement des Bourbons avait besoin en quelque sorte de se débarrasser des légions napoléoniennes. Certainement, Haïti eût résisté, combattît pour le maintien de tous ses droits ; mais elle avait le malheur d’être alors divisée, en guerre civile elle-même.

Dans une telle situation, qui l’affaiblissait, tenir un langage modéré envers la France et son monarque ; en appeler à leur raison, à leur justice, à la philosophie de Louis XVIII[1] ; retracer toutes les horreurs, tous les crimes commis envers les Haïtiens et qui les entraînèrent à l’indépendance ; rappeler les désastres subis par l’armée

  1. De son côté, Christophe en appelait à la philanthropie de Louis XVIII, en proposant le rétablissement des relations commerciales et disant qu’il écoulerait toutes proposition justes et raisonnables, faisant même offrir une base d’indemnités.