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considérer qu’Haïti se trouvait dans une situation analogue, au moment où il négociait pour faire reconnaître la sienne par la France. Pendant leur guerre, ces colonies avaient confisqué, par mesure de sûreté, beaucoup de propriétés appartenant à des sujets britanniques ; mais à la paix, elles consentirent, avec raison, à restituer ces propriétés. Elles pouvaient et devaient agir ainsi, puisqu’il n’y avait point eu d’exclusion prononcée contre de tels hommes, et qu’ils étaient habiles à devenir citoyens de l’Union américaine ou simplement propriétaires [1].

Sous ce dernier rapport, il n’en était pas de même en Haïti : la confiscation des propriétés des anciens colons n’était que le résultat nécessaire, inévitable, de leur exclusion de son sein. Mais l’une et l’autre mesure étant commandées par la sûreté publique, l’indemnité surgissait comme une conséquence aussi inévitable de ces mesures[2].

Aussi a-t-on vu plus avant, qu’en envoyant Garbage à Londres pour négocier la reconnaissance, par la France, de l’indépendance et de la souveraineté d’Haïti, avec le concours de la médiation de la Grande-Bretagne, Pétion entendait que cela dût avoir lieu sur des bases équitables. Il avait donc médité à ce sujet avant l’envoi des agents français à Haïti, et il en eut la pensée par la droiture de son jugement : il est convenable de faire cette remarque.

Toutefois, Pétion avait encore à examiner d’autres

  1. Lorsque l’Espagne reconnut l’indépendance nationale du Mexique, par l’art. 7 du traité conclu entre eux, le 28 octobre 1836, il fut dit : que le Mexique n’ayant confisqué aucunes propriétés des Espagnols, admis d’ailleurs à en posséder sur son territoire, l’Espagne ne réclamait non plus aucune indemnité à cette république. Donc, s’il y avait eu des confiscations de propriétés, le Mexique eût été obligé de payer une indemnité.
  2. La preuve que la confiscation fut déterminée par l’exclusion des colons, résulte encore de ce que les blancs épargnés et conservés en 1804 gardèrent les propriétés qu’ils possédaient et purent en acquérir d’autres, a titre d’Haïtiens.