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droit à la liberté que possèdent les Haïtiens, et que la France elle-même avait proclamé[1].

Ces réclamations ou observations faites au sujet de la proposition de Pétion, — qui est devenue ensuite la base des arrangemens pris avec la France, — reposent donc sur les souffrances endurées par le peuple haïtien dans le régime colonial, sur l’injustice de la France, et par conséquent sur le droit que ce peuple a eu de conquérir son pays, de proclamer son indépendance et d’exclure les colons et leurs semblables de son sein.

Certainement, tout cela est vrai, et ce droit est incontestable. Cette exclusion était même nécessaire, aussi indispensable que la conquête, pour le maintien de la liberté et de tout ce qui en dérive, pour l’existence même de chaque individu, pour la garantie de la nouvelle société créée par l’indépendance.

Mais la conquête, si elle est légitimée par de telles considérations, toujours puissantes aux yeux des hommes éclairés et consciencieux, suppose aussi la conservation de tout ce qui est également sacré à leurs yeux. Or, la propriété est dans ce dernier cas, parce qu’elle est réellement une des bases de tout ordre social, ancien ou nouveau.

Une colonie fondée par une nation peut bien résister à l’oppression de sa métropole, prendre les armes contre

  1. Voyez ce que M. Madiou dit a ce sujet, dans l’Histoire d’Haïti, t. 3, p. 113. Cet auteur a résumé en peu de mots les réclamations dont il s’agit. Ce fut le langage de l’Opposition qui commença à poindre contre Boyer, après la Réunion du Nord. Avant la mort de Pétion, et jusqu’à 1825, personne ne disait rien contre l’indemnité. En 1824, Boyer a eu même, pour y consentir, l’assentiment par écrit des sénateurs, des généraux et de la plupart des fonctionnaires publics. Mais les termes de l’Ordonnance de 1825 blessèrent la dignité nationale, et l’on se manifesta contre l’indemnité dictée par une ordonnance au lieu d’être consentie par un traité. Alors, l’Opposition avait grandi ; elle exploita ce sentiment de mécontentement.