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que sorte le lecteur à tout ce que nous aurons à relater à l’égard de Lamarre. Il venait d’être élevé au méme grade qu’il sollicitait pour Nicolas Louis ; il avait le commandement supérieur de toutes les troupes, et il voulut avoir en son compagnon d’armes un égal, parce que cette promotion lui parut juste. C’était faire preuve d’une vertu militaire antique, en créant pour eux deux un moyen d’émulation au service de leur pays. « Vivre libre ou mourir, voila ma devise. » Telle fut la dernière phrase de sa lettre du 4 juillet, la première pensée qu’il eut en mettant le pied sur le sol de la péninsule qu’il allait arroser de son sang dans mille combats, où il devait mourir de la mort des héros[1].

Aussitôt réuni aux insurgés, Lamarre, qui s’occupait de réorganiser la 9e et la 14e dont les soldats s’étaient joints, sentit aussi la nécessité de créer une cavalerie pour appuyer ses troupes et l’opposer à celle du Nord ; il lui fallait un officier de cette arme qui fût du pays même. On lui désigna le brave Toussaint Boufflet, encore détenu à Jean-Rabel, comme le plus capable de répondre à son attente ; mais en exprimant le regret que ses sentimens fussent acquis à Christophe. Lamarre, ne s’arrêtant pas à ces préventions fondées, l’envoya immédiatement cher : en se voyant, ils se comprirent, tant il y a dans cette noble profession des armes une vraie sympathie entre les vrais braves. Cédant à la confiance de celui qui lui parlait en termes chaleureux, de la liberté, de la République et de son chef, Toussaint embrassa cette

  1. Un corsaire français venait de capturer une de nos barges ; il la renvoya avec une lettre adressée à Pétion, que Lamarre lui fit parvenir avec la sienne du 4 juillet. Dès le commencement de cette guerre civile, le général Ferrand et ses compatriotes employèrent tous les moyens pour capter l’homme dont l’influence avait été si grande, lorsqu’il fallut arracher Saint-Domingue à la France : c’était prêcher dans le désert.