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officiellement. Pétion y répondit le 5 mai : « Par principe de modération, dit-il, et espérant qu’il aurait pu faire un retour sur lui-même, j’avais jusqu’ici gardé le silence sur sa conduite ; mais, invité aujourd’hui par vous, de vous faire part de ce qui, contre lui, est parce venu à ma connaissance, il est de mon devoir de vous exposer la vérité avec franchise. »

Il s’ensuivit de ces informations, que le sénat nomma une commission de ses membres pour recueillir tout ce qui était à la charge de Lamothe Aigron. Elle entendit plusieurs personnes, entre autres le général Bazelais, qui, toutes, déposèrent contre l’inculpé ; elle produisit même, avec son rapport, une lettre adressée par Christophe à celui qui lui paraissait si dévoué, en concluant que, puisque le sénateur inculpé n’avait pas retiré sa demande de démission, il fallait la lui accorder : ce qui eut lieu immédiatement, le 14 mai.

Après de tels faits, on s’attend peut-être, à trouver en Pétion un chef irrité et sévère à l’égard du général Lamothe Aigron. Eh bien ! non : il eut la magnanimité de ne pas même le laisser sans emploi : il le nomma sous chef de l’état-major général de l’armée, sous les ordres de Bazelais. C’est à ce procédé généreux, que la République dut la conservation d’un officier qui la servit ensuite avec zèle et fidélité, en remplissant successivement divers postes importans. Supposez Lamothe Aigron dans le Nord et agissant comme il fit en 1807 ; que lui serait-il arrivé sous le barbare qui y commandait et dont il voulait servir la cause[1] ?


Pendant que ces faits avaient lieu dans le sein du sénat,

  1. Lamothe Aigron avait été de l’état-major de Moïse, puis de celui de Christophe.