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placer ce général qui, de même que Frédéric, ne pouvait plus influer sur le moral des troupes. Il envoya un aide de camp appeler le général Borgella ; il était environ 2 heures de l’après-midi : « Mon cher général, lui dit-il, vous avez dû observer, comme moi, ces succès de l’ennemi depuis ce matin. — Oui, président, répondit Borgella, et je regrette que le général Marion n’ait pu garder son poste principal. — : Les troupes n’auront plus confiance en lui, et je voudrais le remplacer ; mais par qui ? » Il est évident que Pétion désirait que ce fût par Borgella ; mais il sembla craindre de le fâcher, en le retirant de la première ligne de la place pour l’envoyer à l’extérieur. « N’importe le général que vous désignerez, président, il ira : chacun doit se pénétrer de son devoir. — Oui ; mais, mon ami, il faut à présent un offîcier de réputation, qui puisse ranimer le courage de nos soldats. — Tous vos généraux ne sont-ils pas dans ce cas, président ? Ordonnez. — Voulez-vous y aller vous-même ? — Certainement, président ; si vous me l’ordonnez, j’irai de ce pas. — Eh bien ! rendez-vous y, mon cher général, » lui dit Pétion, satisfait et lui serrant la main. « Mais, président, vous ne me donnez pas un ordre écrit pour prendre le commandement aux mains de Marion ? — Cela n’est pas nécessaire : Marion comprendra que vous n’avez pu quitter votre ligne que par mes ordres. Partez, car le temps presse. Je vous donne carte blanche, il s’agit d’imposer à l’ennemi et de l’empêcher d’aller plus loin.[1] »

  1. Nous croyons nous rappeler, sans en être bien sûr, que le général Marion subit le jugement d’un conseil de guerre à cette occasion ; mais il aurait été acquitté, car ce n’est pas le courage qui lui manquait ; et probablement, le président n’agit ainsi que pour l’exemple, comme un avertissement donné à tous les officiers. Bien des militaires disaient alors, qu’il était étonnant qu’il n’eût pas envoyé des troupes au secours de Marion et de Frédéric ;