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les citoyens qui avaient été entraînés dans la scission, à plus forte raison pour ceux qui y avaient pris une part active, avec des démonstrations de passion ou de rancune contre le Président d’Haïti. Pétion s’en abstint avec raison, par un haut sentiment de patriotisme.

Il avait accueilli les réfugiés de l’Ouest, comme tous les autres citoyens ; mais il jugea convenable d’anéantir publiquement tous les registres, tous les papiers du conseil départemental, comme une signification de l’entier oubli du passé, de l’union et de la concorde qui devaient désormais exister entre le Sud et l’Ouest, ces deux départemens constituant alors l’unité de la République d’Haïti. Cette destruction officielle avertissait chacun, et surtout ses anciens partisans dans le Sud, qu’il ne fallait plus récriminer, rechercher les traces des opinions émises contre lui.

En prenant cette résolution, Pétion donna encore un témoignage d’estime à Borgella et à Lys ; il les prévint de son intention de faire brûler les archives départementales sur la place d’armes, en présence des troupes et du peuple, et il les engagea à ne pas se trouver à cette opération : « Des hommes comme vous, leur dit-il, ne doivent pas y assister[1]. »

Elle eut lieu le dimanche 22 mars, jour des Rameaux, précédant cette sainte semaine où l’Eglise catholique commémore pieusement la mort du Divin Rédempteur,

  1. Pétion avait passé plusieurs heures à causer avec Borgella, sur les événemens antérieurs depuis le commencement de la révolution ; il lui expliqua les motifs de sa conduite en diverses circonstances. En lui disant de s’abstenir d’assister à cette opération, il ajouta en souriant : « Quant à Francisque et aux autres généraux, ils ont à peine participé aux actes du conseil, ou plutôt en militaires, qu’en hommes politiques : cela vous serait plus sensible, à vous et à Lys. » Borgella se donna une forte migraine, et Lys eut mal aux dents : ils se firent excuser auprès du Président d’Haïti, de ne pouvoir l’accompagner à la parade.