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que la première information qu’il reçut du projet du général Delva, lui fut donnée par une femme, — Madame Métellus, l’épouse du général de ce nom. Témoin de la haute considération que Pétion avait pour son mari, des faveurs qu’il lui accordait ; objet elle-même de ses attentions délicates et bienveillantes, par des cadeaux incessans, cette femme, Africaine de naissance comme son mari, d’une conduite régulière et d’une nature excellente, avait conçu pour Pétion un sentiment de gratitude qui prenait, pour ainsi parler, la forme d’un culte au chef de l’État. Elle lui fit savoir que Delva venait souvent voir le général Métellus, qu’il avait avec lui de longs entretiens dont le but était le renversement de Pétion, afin de substituer à sa place, ou Métellus ou lui-même Delva, si ce général ne voulait pas de la première autorité. Elle avait appris ce projet par les aveux de son mari, car ces époux vivaient dans la meilleure intelligence. Elle se fit d’abord l’avocat, le défenseur de Pétion, en représentant à son mari qu’il n’en avait reçu que des bienfaits, que le président avait en lui la plus grande confiance, et que ce serait la trahir affreusement que de prêter l’oreille aux suggestions du général Delva. On sait, au surplus, à quel point un véritable Africain peut porter la reconnaissance et le dévouement généreux de son cœur, quand il en a des motifs sérieux ; et l’on ne s’étonnera pas de ce que nous disons de cette femme. Après avoir ainsi disposé son mari, elle alla auprès de Pétion et lui raconta ce qui se passait : le président la chargea d’entretenir le général Métellus dans ces bonnes dispositions, et la pria de le tenir toujours avisé[1].

  1. On a su ces particularités par Madame Métellus elle-même.