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s’élève contre l’oppression… Nous appellerons sans cesse tous les cœurs à la confiance, par notre désintéressèment et notre bonté. Dieu qui a tout fait pour nous, couronnera nos efforts, et nous jouirons, avec l’amour du peuple, de cette douce sérénité de conscience qui est la récompense la plus flatteuse pour les hommes dé voués à la félicité de leur patrie. »

Avait-il tort de parler ainsi du peuple haïtien, et de compter sur son amour, par la douceur du régime que fonda sa politique gouvernementale ? Le temps l’apprit, sans doute ; mais il donna la preuve, immédiatement après son discours, et avant la fin de cette cérémonie où il prit de nouveaux engagemens envers son pays, que ses concitoyens pouvaient compter aussi sur sa parole, sur la continuité de la douceur de son administration ; et voici le fait qui le prouva.

Le cortège étant à l’église, dès que le curé de la paroisse eût chanté le Te Deum, on vit Saget[1], ancien constituant de 1806 et alors percepteur du timbre au Port-au-Prince, s’avancer au milieu de la nef avec une chaise : il monta dessus en donnant le dos à l’autel, afin de parler à Pétion en face : les deux présidées occupaient un banc placé dans la nef et faisant face à l’autel. Dans cette position, Saget, tenant à la main un exemplaire imprimé de la constitution, interpella Pétion avec véhémence ; il lui demanda s’il l’avait toujours respectée, comme il l’avait promis sous serment, le 10 mars 1807 ? Pourquoi avait-il laissé le sénat ajourné pendant plus de deux ans, et ne faisait-il pas exécuter toutes les lois que ce corps avait

  1. Saget qui, en 1802, avertit Dessalines que les Français devaient l’arrêter à la Petite-Rivière.