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qu’il en avait eu. Aussi crut-il que ce fut à la suggestion de Bonnet, à son intimité avec lui, que Lys céda dans cette regrettable démarche[1]

Quant à Bonnet, il est présumable que son amour-propre, froissé de sa révocation, fut la première cause de sa défection, si toutefois il n’était pas entré d’avance, de même que Lys et d’autres, dans le projet médité entre Rigaud et Blanchet ; car il est difficile de penser qu’ils n’auront pris le parti de quitter l’Ouest, qu’en apprenant les événemens survenus aux Cayes : de tels hommes ne pouvaient pas céder ainsi subitement à une pareille résolution.

On a dit à cette époque, que la vie de Bonnet était menacée et que ce fut l’unique cause de sa défection. Lui-même l’a cru et l’a dit en arrivant dans le Sud[2]. Mais, qui pouvait attenter à ses jours au Port-au-Prince ? Seraient-ce quelques-uns des hommes qui avaient été mécontens de lui, quand il était secrétaire d’État ? Mais, depuis le 9 mai il avait cessé ses fonctions, et aucun attentat n’avait été commis sur sa personne. Serait-ce de la part de Pétion qu’il aurait redouté un assassinat ? Mais Bonnet savait qu’il était incapable d’une action aussi détestable.

Il y a lieu peut-être de présumer que sa mésintelligence avec Boyer aura contribué aussi à sa défection. En perdant sa position de secrétaire d’État, Bonnet a pu croire

  1. Madame Lys ayant été auprès de Pétion pour obtenir un passeport, afin d’aller joindre son mari, il le lui accorda, en exprimant à ma tante toute sa peine de la résolution prise par Lys : « C’est ce gros Bonnet, dit-il, qui l’aura entraîné. Lys ne sait-il pas que je suis son mi de cœur ? Ne lui en ai-je pas donné mille preuves, notamment sous le règne de Dessalines ? Peut-il préférer le général Rigaud à moi ? »
  2. Bonnet et Lys s’étant arrêtés chez Berret, en allant aux Cayes, Berret affirme dans sa lettre du 1er janvier 1811, que Bonnet lui d’il que sa vie était en danger au Port-au-Prince.