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pays, en l’accueillant, en l’élevant en grade, en lui faisant une belle et haute position, malgré les avis officieux qu’il reçut des Anglais, tout en prenant ses judicieuses précautions pour qu’il ne devînt point le chef de la République, Pétion semblait lui dire : « Par votre conduite antérieure, mal comprise du vulgaire, on avait cru qu’une basse ambition était le seul mobile de vos déterminations : aujourd’hui que la Providence nous a permis de réaliser nos idées politiques, que l’avenir de notre pays et de notre race est assuré par ses soins, montrez-vous au second rang, comme un noble soutien de nos institutions. Allez rendre le calme aux este prits, la sécurité aux familles, dans ce département du Sud que vous avez jadis gouverné : je ne limite point vos pouvoirs ; faites tout ce que votre sagesse et votre expérience des affaires publiques vous suggéreront, tandis que, dans l’Ouest, je me prépare à résister à l’invasion de notre ennemi commun. »

Au lieu de cela, que fit Rigaud, en se plaçant sous l’influence de la haine injuste de Blanchet, du mécontentement non moins injuste des factieux du sénat, de tous les opposans qui flattèrent sa vanité et sa présomptueuse ambition ? Il employa les pouvoirs qu’il avait reçus dans un but déterminé, à soudoyer la division de la République, en abandonnant sa mission, dans le moment même où la chute du Môle exigeait toute son union pour résister efficacement à l’inévitable agression de Christophe. Ne lui attribuons point le sentiment de l’ingratitude envers Pétion ; car, en politique, c’est par raisonnement et non par sentiment qu’on doit agir. Eh bien ! la raison condamne Rigaud dans ses procédés, pour le résultat auquel il parvint. Opérer la séparation du Sud du gouvernement