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Protégés par sa présence, les électeurs des Cayes se réunirent en assemblée communale et déposèrent, comme indignes de leur estime, Voltaire et Tate, en vertu des articles 20 et 21 de la constitution, pour l’avoir violée en s’opposant aux délibérations des citoyens[1]. Celle-ci eut lieu le 1er novembre.

Le 2, les électeurs se constituèrent « en députés nommés pour représenter les communes composant le département du Sud, afin de statuer sur ce qui convient pour sauver la chose publique de la situation malheureuse dans laquelle elle se trouve ; » et ils nommèrent E. Hays, président, et Dupont, secrétaire de l’assemblée départementale[2].

Le 3, cette assemblée se réunit et prit l’arrêté suivant qu’il est important de connaître :

Considérant que l’autorité souveraine appartient au peuple, qu’il la délègue à sa volonté et en reprend l’exercice quand il lui plaît ;

Considérant que la constitution autorise tous les citoyens à manifester leurs sentimens sur les opérations du gouvernement, et qu’en cela, ils ne portent point atteinte au respect qu’ils lui doivent ; et que s’ils étaient privés de ce droit, la liberté cesserait d’exister ;

Considérant la situation critique et malheureuse dans laquelle a réduit le département du Sud, la guerre du quartier de la Grande-Anse qui, depuis près de quatre ans, désole cette portion de la République ;

Considérant que la guerre contre le Nord n’a jamais pu permettre au Président d’Haïti de s’occuper sérieusement de l’insurrection de la

    l’affaire de la délégation ; il était revenu dans la colonie, selon ses lettres à Pétion, et il devait suivre ses antécédens.

  1. Voltaire et Tate avaient violé la constitution ; mais les électeurs-députés agissaient au nom du peuple souverain, qui autorise parfois de mettre la constitution en sommeil.
  2. On remarqua malicieusement, que Rigaud fit son entrée aux Cayes le jour de la Toussaint, qui avait été celui de la fête de Toussaint Louverture, et que l’assemblée départementale se constitua le jour des Morts : deux fâcheux pronostics pour la scission du Sud.