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maïs par jour. Sans aucun officier de santé pour les soigner, les blessés n’avaient pas même la ressource des plantes du pays dont les militaires atteints savent faire usage ; ils étaient couchés sous des tentes formées avec les voiles de la Républicaine et du Souffleur.

Le 23 septembre, l’ennemi, qui attendait en vain la soumission de nos gens, coupa la communication entre les forts Lamarre et Vallière. Mais l’esprit du militaire, fidèle à l’honneur de son drapeau, est inventif : dans la nuit, à la basse marée, Toussaint faisait passer des hommes dans la mer, ayant l’eau jusqu’à la gorge, pour transmettre ses ordres au fort Vallière. Alors parvint une barge envoyée par Pétion, avec des cartouches et des approvisionnemens. Le président entretenait l’espoir de ces braves, d’être enlevés par d’autres barges qu’il faisait armer ; mais Madame Toussaint, qui était au Port-au-Prince, écrivit à son mari que c’en était fait d’eux tous.

Sa résolution fut aussitôt prise d’évacuer les deux forts sur le poste du Cap-à-Foux, d’y rallier tous ses compagnons d’infortune, pour tenter de gagner la partie du pays redevenue espagnole, par la Bombarde ou le Port-à-Piment, en marchant toujours dans les bois, et enfin se rendre au Port-au-Prince : résolution désespérée, sans doute, mais qui prouve l’énergie d’une âme vouée au culte de la liberté. Cependant, ne s’aveuglant pas sur les risques réels qu’il courrait, en militaire d’honneur, qui attachait un haut prix aux insignes de la noble profession des armes, il se résolut en même temps à sauver ceux qui restaient encore dans ses mains, en les expédiant au Président d’Haïti par la barge que ce chef venait d’envoyer au Môle.