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tion.[1] On reconnaît par ce fait un des traits caractéristiques de Henry Christophe : il honora la mémoire du plus redoutable de ses ennemis.

Il est plus facile de concevoir que d’exprimer l’émotion et la douleur de tous les militaires de la garnison du Môle, depuis Eveillard et Toussaint Paul jusqu’au dernier soldat, à la mort glorieuse de leur chef bien-aimé. Celui qui les guidait dans les combats, qui partageait leurs dangers, qui les soignait dans leurs blessures, dont la sollicitude incessante les aidait à supporter les privations de tous genres, n’étant plus parmi eux, ils eurent la conviction que le même sort leur était réservé. Mais, les chefs supérieurs devinrent encore plus dignes des regrets de la République, par la résolution qu’ils prirent de périr tous, plutôt que de se soumettre à leur barbare ennemi ! Résister à ses efforts, le combattre pied à pied sur ce champ de gloire, telle fut leur héroïque détermination.

Notre flotte, ne pouvant se mesurer avec celle du Nord, restait toujours à l’ancre sous la protection des forts de la Presqu’île ; il ne convenait pas d’ailleurs que Panayoty abandonnât la brave garnison qui défendait le Môle, en cherchant à fuir au Port-au-Prince à travers les bàtimens ennemis. Mais Christophe profita de la mort de Lamarre pour ordonner une tentative contre la Presqu’île. Son aide de camp, Charles Pierre, brigadier de ses armées, commanda cette expédition qui lui réussit ; 6 à 7 bataillons pénétrèrent avec lui sur cette langue de terre, dans la nuit du 24 juillet ; le 25, dans la matinée, les forts furent enlevés, malgré la résistance de leurs dé-

  1. Lamarre naquit au Fond-Parisien, dans la commune de la Croix-des-Bouquets, le 15 janvier 1775.