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foncières, et la classe intermédiaire entre eux et les esclaves possédait l’autre tiers. Or, tous les biens des colons et les terres non concédées étaient devenus propriétés domaniales ; mais les biens de l’ancienne classe intermédiaire restaient entre les mains de ceux de ces hommes qui avaient survécu aux orages révolutionnaires, ou entre celles de leurs familles, de leurs descendans. Comme ces citoyens formaient la classe la plus éclairée de la nation, depuis l’indépendance du pays, ils étaient naturellement appelés à occuper une grande partie des emplois publics, concurremment avec les émancipés de 1793 : joignant à cette position sociale l’avantage de posséder en propre une partie des terres occupées, d’affermer encore des biens du domaine, l’influence qui en résultait pour eux était notable dans les affaires publiques.

Dans une telle situation, n’était-il pas d’abord de toute justice de rendre aussi propriétaires des biens du domaine, ceux qui servaient dans l’armée depuis longtemps, qui avaient combattu pour la liberté et l’indépendance, qui combattaient encore dans l’actualité pour le maintien des institutions nouvellement établies, et qui, la plupart, ne possédaient rien en propre ? N’était-il pas prudent ensuite, de prévoir une jalousie qui eût pu éclater de la part de ces derniers contre les autres, de l’empêcher de naître, d’ôter tout prétexte, enfin, à une guerre sociale entre ceux qui ne possédaient rien et ceux qui possédaient beaucoup, — propriétés, emplois, influence, quels qu’ils fussent ?

Telles étaient, probablement, les diverses considérations qui motivèrent la proposition de Pétion, moins d’un mois après son avènement à la présidence de la Républi-