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flexions elles firent avorter le projet de Lamarre. Mais, si Panayoty eût envisagé qu’à tout instant il courait le risque d’être emporté par un boulet, d’être atteint par un éclat de bombe, par une balle, tant il exposait sa vie, peut-être eût-il adhéré à ce projet. À la guerre, ne faut-il pas quelquefois des actes de témérité pour retenir la victoire, pour sauver une armée ? Supposons l’audacieuse entreprise de Lamarre réalisée : quel immense résultat !… Au lieu de cela, c’est l’héroïque fin de ce brave qu’il nous faut relater.

Le 29 avril, il avait écrit une lettre à sa mère, Madame Veuve Pellerin, où il lui disait que Christophe était arrivé avec six généraux et des forces, dans l’intention, supposait-il, de donner un assaut à tous ses postes du Môle. Ce jour-là, la flotte ennemie était devant la rade ; mais il rassurait sa mère, en ajoutant : « Tranquillisez vous, chère et bonne mère ; le courage de votre fils égalera toujours ses sentimens pour vous. Adieu. »

Le 16 juillet, il eut le pressentiment de sa mort ; avant de sortir de chez lui, il remit à Éveillard jeune de petits objets pour être donnés à sa mère, comme témoignage de son souvenir ; et, suivi de son aide de camp Honoré, du chef de bataillon Fortuné Desmares, son cousin, du sous-lieutenant Soulouque et de quelques guides, il passa au fort Allemand et se rendit à la redoute N° 4. Là, Lamarre prit le fusil d’un soldat et se mit à tirailler avec un poste ennemi, très-rapproché du N° 4. La plus grande partie de son corps était à découvert. Les militaires du N° 4, dans leur sollicitude inquiète pour leur général, lui firent des observations qu’il n’écouta pas. Cet échange de coups de fusil attira l’attention de l’ennemi au poste Gandou, placé sur le Morne-à-Cabrits, et l’on y découvrit