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À peine Rigaud était-il parti de France pour les États-Unis, que 4 frégates et 4 brigs en seraient sortis aussi, séparément, mais avec destination définitive pour les côtes d’Haïti  ; les 4 brigs furent capturés par les Anglais. Abord de l’un d’eux se trouvaient des lettres d’anciens colons, pour leurs fils ou parens qui étaient sur les frégates et parlant de la mission que Rigaud avait reçue de l’Empereur Napoléon, « de se rendre en Haïti, d’essayer d’y reprendre son ascendant et l’autorité supérieure, afin de replacer ensuite le pays sous la domination de la France. » Ainsi, les frégates et les brigs auraient été expédiés dans le but de l’aider dans cette œuvre.

Qu’on n’objecte pas tout d’abord, qu’une telle chose est invraisemblable, et de la part du gouvernement impérial de France et de celle des colons, divulguant ainsi un plan combiné dans le silence du cabinet. À l’égard de ces derniers, on connaît déjà leur vaniteuse présomption qui les portait à ne jamais douter du succès d’aucune démarche tendante à les replacer sur leurs biens, et l’on sait s’ils furent assez influens en France pour avoir su ce plan. Quant au gouvernement impérial, on n’a qu’à se rappeler la mission de Ducoudray et d’Etienne Mentor, en 1805 : il ne pouvait pas plus renoncer à l’espoir de rétablir son autorité à Saint-Domingue, que ne le fit après lui le gouvernement de la Restauration.[1] Il est d’ailleurs pour tous les gouvernemens des devoirs impérieux que tout esprit raisonnable doit reconnaître : la force des choses seule les contraint à y renoncer. Au moins, la mission qu’aurait eue Rigaud était plus digne d’une puissance civilisée que la précédente, sauf l’enjeu de sa tête,

  1. Nous parlerons aussi de la mission secrète de Liot, à la fin de 1812, etc.