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sur leur repentir pour qu’ils pussent de nouveau servir leur pays, ce qui eut lieu par la suite[1].

Pétion savait que dans des temps d’effervescence politique, il faut user de beaucoup d’indulgence envers les hommes qui se laissent entraîner par leur esprit déraisonnable et les passions du moment ; que tel qui se rend coupable aujourd’hui aux yeux de la société et des lois, peut redevenir demain bon citoyen. C’est ainsi qu’il conserva à son pays la plupart de ceux qui lui fuient opposés, parce qu’ils ne pouvaient comprendre sa pensée politique, ni avoir foi dans les succès qu’il lui préparait pour l’avenir. Mais il n’est pas donné à tous les chefs de gouvernement de savoir pratiquer le pouvoir comme il le fît.

Lhérisson n’eût pas subi un autre sort que celui de ces deux officiers supérieurs, s’il avait eu plus de patience qu’il n’en montra. À son retour de sa mission coupable à Jérémie, il fut arrêté au Petit-Trou avec le jeune Lamothe Duthiers, par ordre du général B. Leblanc, et déposés tous deux dans une maison, sous la garde d’un officier qui négligea même de leur ôter leurs armes. Jugeant de la situation désespérée de Gérin, dont il connaissait les faibles moyens, Lhérisson se donna un coup de pistolet et mourut immédiatement[2]. Ce fut regrettable, car il avait de la capacité et était un citoyen distingué sous d’autres rapports.

La folle entreprise de Gérin détermina un arrêté du Président d’Haïti, en date du 16 février, qui fixa le nombre de militaires qui devaient désormais servir de

  1. Le 27 janvier, le général Wagnac, dont les sentimens furent toujours honorables, envoya un officier porteur d’une lettre au président, par laquelle il le pria de considérer les anciens services de Thomas Durocher, qui n’était qu’égaré. Pétion y eut égard comme à ceux de Bergerac Trichet.
  2. Lamothe Duthiers quitta le pays peu après l’affaire de Gérin ; il resta plusieurs années à l’étranger et revint sous l’administration de Boyer, qui le nomma trésorier à Santo-Domingo.