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Les colonels Lannes et Roux durent guider la colonne, par la connaissance pratique qu’ils avaient des localités.

On est porté à se demander pourquoi le président préféra donner ce commandement à Lys, moins ancien colonel que Bourdet et Masson Dias, lorsqu’il avait d’ailleurs des officiers généraux sous sa main ? Il est difficile de comprendre ses motifs, alors qu’il était à craindre que l’égalité de grade entre tous ces chefs de corps, eût pu nuire à l’obéissance due au chef de la colonne. Il faut donc conjecturer, qu’indépendamment de sa confiance en Lys et de son amitié particulière pour lui, la qualité de sénateur fut la cause déterminante de ce choix ; David-Troy, son lieutenant, l’était aussi.

Quoi qu’il en soit, dans la nuit du 13 au 14 juin, la colonne se mit en marche sur Las Caobas, où elle arriva dans la journée suivante. Le secret ayant été gardé sur sa destination, bien des gardes nationaux et des employés d’administration défilèrent avec elle et ne reconnurent leur erreur qu’au jour. Ce mécompte occasionna leurs regrets, exprimés assez haut pour porter les troupes à la disposition fâcheuse de la désertion : quand, le 15, il fallut traverser l’Artibonite à un gué encore difficile, la colonne fut réduite à environ 1200 hommes. Les provisions de bouche s’épuisaient déjà, même pendant qu’on était au Mirebalais, le soldat portant habituellement dans son havresac, des vivres pour quelques jours et devant se nourrir par la maraude en pays ennemi. Avec une telle manière de faire la guerre, il faut nécessairement une discipline fondée sur la violence, pour obtenir des résultats appréciables, — une discipline semblable à celle qui régnait dans notre armée, sous Toussaint Louverture et Dessalines, et qui était encore celle pratiquée par Chris-