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tout autre général de l’armée, dans le moment où l’ambition animait les esprits ; car, en lui accordant la faculté de désigner, parmi les trois candidats qu’il proposerait pour toute charge supérieure, pour tout emploi vacant, celui qu’il croirait le plus digne ou le plus propre à y être appelé par le sénat, c’était effectivement lui déférer le droit d’y nommer lui-même. Ce corps ne pouvait pas méconnaître d’ailleurs l’immense influence qu’il exerçait et sur l’armée, et sur les citoyens des villes et des campagnes : Pétion était réellement l’homme de la situation, du peuple, le seul chef à opposer à Christophe.

Le lecteur verra bientôt que les sénateurs se pénétrèrent de plus en plus de cette vérité ; et quand le sénat lui-même entrera en lutte d’opposition avec Pétion, il conclura avec nous, que ses membres ne furent pas conséquens dans leur conduite.

À l’égard des relations extérieures attribuées au Président d’Haïti, rien n’était encore plus sage de la part du sénat. Il est prouvé, par expérience, que les corps politiques ne sont pas propres à les conduire pour arriver à d’heureux résultats : le secret qu’elles exigent le plus souvent pour les mener à bonnes fins n’y peut être parfaitement gardé. C’est donc au chef du pouvoir exécutif à exercer de telles attributions, sauf à soumettre les arrangemens convenus ou contractés, au pouvoir politique qui ratifie ou sanctionne, ou rejette.

Le motif particulier qu’eut le sénat pour prendre son arrêté du 21 mars, c’est qu’alors on envoyait Théodat Trichet en Angleterre afin de traiter avec la Grande-Bretagne, de la reconnaissance formelle de l’indépendance et de la souveraineté d’Haïti. Le parlement discutait à cette époque là grande question qu’il résolut dans