Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trature de la République. Les sénateurs le reçurent assis et couverts, afin de manifester la souveraineté du peuple dont ils étaient les représentans. Précédé du secrétaire d’État Bruno Blanchet, des généraux Bazelais et Wagnac, d’officiers civils et militaires auxquels s’était joint Jacob Lewis, officier de la marine militaire des États-Unis, qui venait témoigner à cette occasion sa haute estime pour l’homme dont la justice et le patriotisme élevé l’avaient charmé, Pétion traversa la salle des séances au son de la musique et vint prendre un siège qui lui avait été préparé : appuyé sur des béquilles, à cause de sa maladie, il ne parut que plus intéressant aux yeux du sénat et des assistans[1]. Gérin et les autres généraux ou officiers supérieurs, sénateurs, siégeaient parmi leurs collègues[2].

Le sénateur Jean-Louis Barlatier, président du sénat, prononça le discours suivant adressé à son élu :

Citoyen général,

Le sénat ayant senti la nécessité d’organiser le gouvernement, a procédé, dans la séance d’hier, à la nomination du Président d’Haïti ; le suffrage de ses membres a réuni la majorité en votre faveur, et vous avez été proclamé Président de la République haïtienne.

Le sénat, en vous élevant à la première magistrature de l’État, a cru rendre un hommage public à vos vertus et aux sentimens républicains qui vous ont toujours caractérisé. Chargé du dépôt des lois et de la force armée, vous deviendrez, président, un sujet d’émulation pour tous ceux de vos compagnons d’armes qui parcourent

  1. « Souffrant de douleurs rhumatismales et simplement vêtu, il se soutenait à peine, appuyé sur des béquilles.  » Hist. d’Haïti, t. 3, p. 413. Alors, pourquoi avoir dit, p. 411 ? « Pétion avait en l’adresse de ne pas se présenter à la séance : » ce qui fait naturellement supposer de sa part la ruse politique affectant le désintéressement, pour mieux cacher son ambition. Il lui était permis d’en avoir, car il l’a justifiée au-delà même de l’attente publique : de tels ambitieux sont rares en Haïti.
  2. La présence de Gérin à cette séance est constatée dans sa lettre au sénat, du 11 janvier 1808 : mais il n’en signa pas le procès-verbal. « Je me rendis aux séances de sa réception, a-t-il-dit, mais conservant tacitement le sentiment de ma démission » produite dans la séance du 9 mars.