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où les représentons du peuple doivent députer leurs membres vers le pouvoir exécutif, ils ont cependant, en plus d’une circonstance, fait des démarches près du gouvernement, tendantes à maintenir l’harmonie qui devait toujours régner entre les deux pouvoirs, présumant que par ce moyen, le gouvernement, sans cesse éclairé par le corps législatif, devait marcher d’accord et concerter des mesures qui pouvaient nécessairement mettre la République sur un pied respectable. Mais, hélas ! combien de fois ne l’avons-nous pas vue aux bords du précipice !

Aujourd’hui, justement effrayé de la situation alarmante de l’Etat, de l’impéritie des moyens employés dans nos finances, l’agriculture, l’armée, la police des villes et des campagnes, le sénat se croit autorisé, d’après l’engagement qu’il a contracté de travailler au bonheur d’un peuple qui lui a confié ses destinées, de venir en corps s’expliquer avec le chef du pouvoir exécutif, et lui demander, enfin, s’il est possible d’oublier les puissans motifs qui ont occasionné l’événement du 17 octobre 1806 ? À Dieu ne plaise que le corps législatif veuille ici imputer au chef du gouvernement, des vues attentatoires à la souveraineté du peuple et au système représentatif établi par une constitution pour laquelle des flots de sang coulent encore ! Mais le sénat peut-il rester indifférent sur le sort futur du pays qui nous a vus naître, quand tout semble incliner vers une subversion totale ? Sans armée, sans finances, sans culture et sans police, que manque-t-il donc pour nous convaincre que la République est plongée dans le plus noir chaos ? Non loin de ce triste tableau, nous voyons l’anarchie accompagner la licence qui menace de tout confondre… L’insubordination est à son comble ; et bientôt les officiers supérieurs regarderont l’obéissance de leurs subordonnés comme une faveur signalée. Nos lois sont sans vigueur, et la République est dans un état d’incertitude qui détruit toute sécurité.

Dans le mois de mai de l’année dernière, le sénat, présumant que de la confusion qui existait dans nos finances il devait nécessairement naître un déficit effrayant dans les caisses publiques ; voulant tout prévenir, le corps législatif adressa au Président d’Haïti un message détaillé, par lequel il l’invitait à lui faire parvenir, par la voie du secrétaire d’État, le cadastre des maisons et des habitations de la République, les noms des fermiers, les sommes dues à l’État par ces fermiers, l’état de la force armée, celui enfin de tous les objets de guerre, etc. etc ; et ce message, qui fut imprimé par ordre du gou-