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cessités de la guerre ; les autres désiraient servir Christophe par ce choix : ils cédèrent aux observations de leurs collègues, et surtout de Bonnet[1]. Le jour de l’élection, il y avait cinq sénateurs du Sud présens à la séance, indépendamment de Gérin : si celui-ci n’eut qu’une voix, il nous est permis de douter que le peuple du Sud le désignait à cette charge[2].

Quoi qu’il en soit, aussitôt l’élection terminée, le sénat députa vers Pétion, les sénateurs César Thélémaque et Daumec pour lui annoncer sa nomination. Il accepta avec calme et dignité, mais avec reconnaissance, ce haut témoignage de l’estime et de la confiance de ses collègues, que justifiait l’attente publique ; et il leur annonça que le lendemain, il se présenterait pardevant le sénat pour prêter son serment. Au retour des deux sénateurs, une salve d’artillerie annonça cette nomination intelligente du sénat, et la population du Port-au-Prince, comme l’armée, applaudit à cet heureux événement qui présageait tant et de si grandes choses.

Voulant en quelque sorte inaugurer par une mesure bienfaisante, l’ère nouvelle qu’il ouvrait pour Haïti, le Sénat, dans la même séance du 9 mars, rendit la loi qui

  1. Le sénateur Manigat, en me racontant les circonstances relatives a l’élection de Pétion, me dit qu’il allait voter pour Gérin, lorsque Bonnet l’en détourna en particulier et non pas en séance. « Je croyais Gérin plus militaire et plus influent sur l’armée que Pétion ; et puis, il avait été le premier à se déclarer contre l’empereur. » Quant à Ferrier, et même Lamothe Àigron dont on saura bientôt la conduite, ils ne pouvaient que désirer le triomphe de Christophe, en voulant nommer Gérin. Les autres sénateurs du Nord ont pu le croire plus capable que Pétion, sous le rapport militaire.
  2. Les 6 sénateurs nommés pour le Sud, étaient Gérin, T. Trichet, D. Médina, Ch. Daguilh, Blanchet jeune et David-Troy. Et puis, on oublie que Pétion était fort estimé dans ce département, pour sa défection en 1799, la courageuse défense de Jacmel et l’évacuation de cette place en 1800, la prise d’armes du Haut-du-Cap en 1802, a la tête de la 13e demi-brigade composée des militaires qui avaient servi sous Rigaud. Y avait-il un seul d’entre eux qui ignorât l’amitié qui existait entre Pétion et Geffrard, leur entente pour abattre Dessalines ? Gérin pouvait-il balancer l’influence de Pétion dans ce département ? En 1810, le contraire fut démontré, quand il conspira.