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que cette puissance montra constamment en faveur de Christophe, pendant notre guerre civile : de son côté, il ne négligea rien pour se l’attirer, et sembla se rappeler toujours qu’il était né sous la domination britannique.

Le 2 février, Derénoncourt allait sur la Constitution au secours de la Présidente, retenue dans le port de la Vallée, lorsqu’il fit rencontre avec un brig et deux goëlettes du Nord : un combat inégal commença aussitôt entre eux. Après avoir résisté à ces trois bâtimens qui entouraient le sien, se voyant sur le point d’être capturé, Derénoncourt préféra une mort glorieuse pour lui et les braves de son équipage, à l’humiliation d’être faits prisonniers : il mit le feu à la sainte-barbe ; la Constitution fut emportée dans les airs. C’était terminer son existence à la manière de Delgresse qui, à la Guadeloupe, échappa ainsi à la honte de l’esclavage restauré par la France.

La mémoire de tels hommes restera toujours digne d’admiration aux yeux de ceux qui ont le sentiment de l’honneur. Dessalines avait exalté l’héroïque action de Delgresse ; le Sénat de la République exalta celle de Derénoncourt par la loi du 12 février qui ordonna qu’un nouveau garde-côtes, qu’on armait alors au Port-au-Prince, serait nommé le Derénoncourt, et que le Président d’Haïti serait invité à faire dresser un double du rôle de l’équipage de la Constitution, dans un cadre qui serait suspendu dans la salle de ses séances, en attendant qu’on pût faire un tableau historique où cette glorieuse action serait représentée[1].

  1. Le Derénoncourt, forte goëlette à trois mâts, portait une pièce de 24 en pivot sur son pont. Ce bâtiment coula fort cher à l’État, dans un moment où les recolles ne