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ties ? — Ses paroles produisirent une impression profonde sur l’assemblée…[1] »

Nous savons que Bonnet prit une grande part à l’élection de Pétion, et cela prouve en faveur de son cœur comme de son esprit judicieux ; mais nous contestons qu’il fût le seul qui désirât sa nomination : Lys, David Troy, Magloire Ambroise, Yayou, Fresnel, etc., étaient des hommes qui ne pouvaient que le désirer également.

Et comment admettre que la plupart des sénateurs pussent préférer Gérin à Pétion, lorsqu’on voit constamment percer l’influence de ce dernier dans tous les actes de ce corps, à partir du 18 janvier où il reprit ses séances ? Si notre devancier convient que son compétiteur était violent et despote, qu’il avait soulevé bien des passions contre lui, il doit présumer aussi que les sénateurs étaient assez clairvoyans pour découvrir eux-mêmes en Gérin, ces défauts qui ne le recommandaient pas à leur vote. Il suffisait, pour l’écarter du scrutin, de cette étrange prétention qu’il manifesta, qu’un cultivateur de nos campagnes n’était pas l’égal de son fils ; car les membres de ce Sénat de 1807 étaient sincèrement animés de cet esprit de liberté et d’égalité qui assura plus tard le triomphe de la République sur la Royauté de Christophe, qui fit disparaître les privilèges de sa noblesse devant le simple et beau titre de citoyen d’Haïti.

Mais il est vrai que plusieurs des sénateurs du Nord, ou séduits par le caractère belliqueux de Gérin, par sa hardiesse heureuse dans l’insurrection du Sud, ou mus par des sentimens hostiles à la République, voulaient le porter à la présidence. Les uns le croyaient plus apte que Pétion, à raison de la maladie de ce dernier et des né-

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 411 et 412.