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gement contradictoire, leurs familles, leurs héritiers, devaient-ils être frustrés de ce qui leur appartenait ?

La conspiration du général Magloire Ambroise, ainsi terminée, occasionna lapins poignante douleur à Pétion : il regretta profondément qu’il se fût suicidé assez tôt, pour lui enlever la satisfaction d’user envers lui d’une indulgence qui eût pu le conserver à son pays, et il eut encore à gémir de l’assassinat commis sur les citoyens accusés comme ses complices. Aussi, aucun acte public ne parut alors, émané de son autorité, non plus qu’après la mort du général Yayou, comme il est d’usage dans tous les gouvernemens : il lui eût été pénible de justifier ce qui avait eu lieu dans ces circonstances ; et cependant, l’on verra que le sénat lui reprocha ce silence dont il sembla ne pas comprendre les motifs, ou, peut-être, parce qu’il ne les comprit que trop.

C’était déjà une affligeante situation pour son gouvernement, que de se trouver dans la nécessité de souffrir des faits répréhensibles de la part des hommes haut placés dans l’Etat ; justifier ces faits par un acte public eût été un tort de la sienne : il crut devoir les laisser au contrôle de l’opinion publique. On dira, peut-être, qu’il était dans l’obligation de s’enquérir des causes de l’assassinat commis au Cabaret-Garde, pour sévir contre ses véritables auteurs, avec d’autant plus de raison, qu’il était revêtu alors de tous les pouvoirs ; mais c’est en cela même que nous disons qu’il fut dans la nécessité de souffrir cette énormité contre la loi. Une enquête à l’égard de ce fait et de la saisie des propriétés de ces victimes n’eût pu justifier d’abord le général Bonnet qui, en sa qualité de commandant d’arrondissement, avait l’autorité supérieure à Jacmel ; elle eût peut-être com-