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rien de moins qu’à être ministre des finances, et tout porte à soupçonner que cette étrange prétention se rattachait à une combinaison suggérée par Christophe ; quand celui-ci manda les aides de camp de Dessalines, Borno Déléard s’empressa d’aller au Cap. Enfin, on a vu que le général Lamarre informait le président, tout récemment, de l’envoi au Port-au-Prince de quatre espions par Christophe, dans le but d’exciter une nouvelle conspiration de la part des adhérens de Yayou. Pour juger sainement des événemens politiques, il faut se rappeler les antédédens des hommes qui s’y jettent, souvent follement.

Nous ne doutons donc pas que ceux que nous venons de rappeler à l’égard de Borno Déléard, contribuèrent puissamment à le faire agir sur l’esprit faible de Magloire Ambroise, pour le porter à croire qu’il était assez influent dans l’arrondissement de Jacmel, et à conspirer contre le gouvernement. Cet infortuné général ayant échoué dans cette folle entreprise, il aima mieux se suicider par le poison, que d’être jugé et convaincu d’avoir trahi ses devoirs envers un chef de qui il n’avait reçu jusque-là que des témoignages d’estime, de considération et d’amitié. De même que Yayou, il ne put se résoudre à espérer un oubli généreux de ses torts, par celui qui avait droit à les lui reprocher. Il y a même dans une semblable résolution, quelque chose de respectable et qui ajoute aux regrets qu’on éprouve de l’égarement de ces deux hommes.

L’évasion du général Magloire Ambroise, dans la soirée du 5 au 6 décembre, avait été un événement au Port-au-Prince : les esprits étaient inquiets, douloureusement impressionnés, dans la crainte que tout l’arrondissement