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l’envie et la jalousie contre le chef de l’État qu’ils voyaient revêtu de grands pouvoirs. C’est le malheur du système républicain, de faire naître incessamment une ambition déréglée parmi les hommes d’un mérite secondaire ; ils se persuadent qu’ils sont capables de tout, et loin de se borner à une noble émulation pour servir la chose publique, ils aspirent aux plus hautes positions pour satisfaire plutôt à leur orgueil. Que de tels hommes se trouvent dans une monarchie, et ils descendront aux plus basses adulations, ils ramperont aux pieds du monarque, pour parvenir à leurs fins.

Le département de l’Ouest était surtout le foyer de cette ambition vulgaire ; il ne s’écoula pas six mois, qu’on vit éclater une nouvelle conspiration dans son sein, qui fut comme la suite de la première.

Dans le Sud, l’insurrection de la Grande-Anse continuait ses désastres. Tout cet arrondissement et celui de Tiburon avaient dans la population des campagnes, des hommes que les colons avaient égarés pendant longtemps contre le système suivi par le gouvernement de la République, contre ceux qui le dirigeaient. En élevant Goman au grade de général de brigade et lui conférant le droit de distribuer des grades militaires inférieurs, Christophe avait ravivé ces préventions poussées jusqu’à la haine. L’insurrection trouvait encore un aliment dans la peur de bien des habitans des villes et bourgs du littoral, qui se voyaient incessamment exposés à ses irruptions ; ils pactisaient secrètement avec les insurgés, en leur fournissant clandestinement de la poudre et du plomb, en échangeant avec eux des marchandises dont ils avaient besoin, contre les denrées qu’ils récoltaient et que les femmes surtout apportaient dans ces localités. Cet état