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avaient exercé durant trois siècles l’infâme traite des Noirs, pour y transporter ces infortunés et en faire des esclaves ; et là, les contraignant à des travaux pénibles, les fouettant, les mutilant, les tourmentant incessamment par les moyens les plus atroces, ils auraient encore espéré que ces hommes, leurs égaux devant Dieu, ne trouveraient jamais parmi eux un vengeur de tous les crimes commis dans ces contrées !

Et qu’on n’oublie pas que, lorsque ces terribles représailles s’accomplissaient dans la partie occidentale d’Haïti, une garnison de troupes françaises occupait la partie orientale, menaçant la population qui venait de se soustraire à la domination de la France, et pouvant en recevoir des secours d’un instant à l’autre[1].

Toutefois, nous le répétons, dans l’intérêt même de notre pays : nous eussions aimé à n’avoir à enregistrer, qu’un acte de générosité magnanime envers les Français restés au pouvoir de notre gouvernement national. En les expulsant du pays, il n’aurait eu à craindre aucune défection en faveur de la France, de la part de quelque portion que ce soit du peuple haïtien ; car, l’indépendance était admise par tous les citoyens, comme la seule mesure conservatrice de leur liberté. Un tel acte eût acquis à cette jeune nation toutes les sympathies, sinon des gouvernemens étrangers, du moins des peuples soumis à leur autorité. L’opinion, qui gouverne le monde, eût plaidé notre cause au tribunal de l’équité universelle, et les préjugés coloniaux n’auraient pas été ravivés contre les hommes de notre race, tandis qu’ils ont pris prétexte de nos fureurs après le triomphe de nos droits, pour éloigner

  1. On lira un arrêté du général Ferrand, on verra qu’il reçut des renforts.