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rieurs, il était impossible qu’ils empêchassent les vengeant ces particulières de s’exercer, lorsque l’ordre de tuer indiquait non-seulement ceux qui seraient convaincus, mais ceux qui seraient soupçonnés d’avoir pris part aux massacres, aux assassinats ordonnés par Leclerc et Rochambeau. Dans tout le pays, chacun pouvait se plaindre d’avoir perdu un parent, un ami, et soupçonner tel ou tel blanc d’avoir contribué à leur mort. L’heure de la vengeance ayant sonné, on agit comme avaient fait ces deux généraux français et leurs sicaires, comme avaient fait bien des colons en 1802 et 1803, et même antérieurement. Que de victimes avaient été immolées, sans autre motif que d’inspirer la terreur à la population, pour pouvoir l’asservir !

À Jérémie, dans toutes les villes ou bourgs par où il passa, jusqu’au Port-au-Prince ; là même, et ensuite dans les autres villes ou bourgs jusqu’au Cap où il se rendit en avril, Dessalines personnellement fit mettre à mort tous les Français non exceptés. Ni Pétion, ni Gabart, ni H. Christophe, n’avaient exécuté le décret du 22 février : il a fallu la présence du gouverneur général et sa volonté de fer, pour assurer son exécution[1].

Néanmoins, si des officiers supérieurs et subalternes, si des particuliers même montrèrent du zèle dans ces actes de cruauté, on peut citer, à leur honneur, d’autres qui se firent un devoir, un bonheur, de sauver autant de Français qu’ils purent, en facilitant leur évasion du pays, en les cachant pendant ces fureurs. Parmi ces hommes humains, qui avaient vaillamment fait la guerre de l’indépendance, l’histoire distingue Geffrard, Jean-Louis,

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 128 à 136.