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fois de concentrer dans un lieu de l’intérieur les moyens de résistance, les approvisionnemens de guerre, par rapport aux Anglais si souvent en lutte avec la France. C’est par des motifs semblables qu’il fut résolu en même temps, que les généraux commandant les divisions feraient immédiatement commencer, dans chaque arrondissement, la construction d’un fort où seraient réunis les objets nécessaires à la guerre.

Peu importait donc, quant à la direction du gouvernement, que le chef de l’Etat séjournât plus souvent ou tout-à-fait à Dessalines ; son activité personnelle le portait d’ailleurs fréquemment dans tous les départemens. Il n’y avait qu’à réunir dans cette ville nouvelle, la haute administration du pays et une certaine population pour influer sur le reste. Mais cette administration était dans les mains du dictateur ; toutes les autres étaient secondaires dans chaque localité : rien ne l’empêchait de les surveiller et de donner une direction conforme aux intérêts de la nation, et nous trouvons peu concluantes les raisons données à cet égard, par M. Madiou[1]. Supposons le siège du gouvernement au Cap, aux Gonaïves, à Saint-Marc ou au Port-au-Prince : le gouverneur général aurait-il pu mieux déjouer une conspiration qui éclaterait ailleurs ? De tels projets échouent, lorsqu’il n’y a pas motif suffisant pour leur réussite ; ils réussissent, lorsque l’opinion publique

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 123. « Cette position pour une capitale avait été mal choisie. Dessalines, retiré au fond des bois, loin des grandes villes où s’agitent les passions politiques, ne pouvait surveiller les grandes administrations… Il lui aurait été difficile de déjouer les conspirations qui pouvaient se former contre son gouvernement, soit aux Cayes, soit au Port-au-Prince, soit au Cap. »

    C’est au contraire pour avoir séjourné aux Cayes un mois, en 1806, qu’il y fit naître la conspiration qui le renversa, et elle n’a été que la suite d’une conjuration conçue et délibérée à Marchand même, ainsi qu’on le verra.