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drions pas à son sujet. Mais en le voyant persévérer dans sa violence, après les massacres consommés, nous ne pouvons que blâmer ces sentimens haineux qui ne s’apitoyèrent point sur le sort de tant de victimes. En effet, dans la dernière page de ses « Mémoires pour servir à l’histoire d’Haïti, » écrits et publiés en 1804, après avoir rappelé les conséquences désastreuses de la division suscitée par le général Hédouville, entre Rigaud et Toussaint Louverture, il s’adresse à Dessalines pour le fortifier dans ses idées de vengeance :

« Dégage à ton tour, lui dit-il, de la protection que doivent les lois à tout homme, celle qu’elles pourraient accorder au Français qui sera assez téméraire pour revoir l’île que nous avons sanctifiée par le sacrifice de tout ce qui portait le nom de Français : peux-tu jamais satisfaire à la vengeance commune ?… Et l’on ose supplier ta clémence ! Non. Moi aussi, je pleure mes parens, j’invoque ta fureur contre tout ce qui est Français, et l’animadversion des lois contre quiconque rappellerait ou en souffrirait un sur la terre qu’ils ont ensanglantée. »

On reconnaît dans ces lignes l’aigreur, le ressentiment de l’homme du département du Sud, qui fut témoin des horreurs commises après la guerre civile sur sa population ; mais par qui, par ordre de qui eurent-elles lieu ? Par Dessalines lui-même, exécutant les instructions cruelles de Toussaint Louverture. Sans doute, ce dernier ne se montra que trop docile aux inspirations des colons ; mais n’eut-il pas aussi sa volonté individuelle dans ces excès coupables ? Et de ce que Dessalines avait été l’exécuteur de ses hautes œuvres, était-il convenable de l’exciter maintenant à de nouvelles fureurs, après celles qui