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Il disait à Yayou, le héros de cette journée, qu’il embrassa et félicita pour sa belle conduite, et qui s’excusait de n’avoir pu empêcher le pillage : « Mon cher général, vous n’auriez pas pu vous y opposer ; laissons-les faire, mais exigeons d’eux qu’ils restent à leurs postes ; pour recueillir ce butin, leurs femmes viendront leur apporter de la nourriture. Au fait, les habitans de la ville perdront peu de chose et seront heureux de retrouver leurs demeures bien défendues par ces braves soldats[1]. »

Et les habitans applaudirent ensuite à cette intelligente décision de Pétion ; ils se pénétrèrent de sa pensée conservatrice, au milieu d’un désordre inévitable ; ils l’en remercièrent.

Néanmoins, on ne peut que déplorer la fâcheuse nécessité qu’il subit en cette circonstance, et regretter en même temps d’être forcé à mentionner ce fait, après l’éloge justement mérité par les troupes qui défendirent cette ville. Les militaires qui participèrent à ce pillage auraient dû se rappeler que le butin qu’ils faisaient ainsi, se composait d’objets appartenant à leurs concitoyens, et que leur devoir, au contraire, était de réprimer le désordre commis par les premiers pillards étrangers à leurs corps. Mais on conçoit qu’il y avait pour eux une double tentation dans cet exemple tracé et dans toutes ces maisons ouvertes et abandonnées. La discipline du régime despotique précédent avait déjà éprouvé une grande réaction.

  1. Qu’on n’oublie pas que Pétion avait 3 mille hommes au plus en ce moment pour défendre une ville d’un développement aussi vaste, contre une armée de 12 mille hommes. Et pour pouvoir entraîner ceux-ci dans sa coupable entreprise, Christophe ne leur avait-il pas promis le pillage des habitans du Port-au-Prince, par sa proclamation du 24 décembre ?