Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la tyrannie de Dessalines ; mais par ses idées politiques, il n’était pas aussi républicain que Pétion ; il eût voulu une forme de gouvernement en rapport avec son caractère despotique. Soit qu’il craignît de se trouver en dissidence avec Pétion et avec les autres membres de l’Ouest et du Sud dont il connaissait les opinions, soit plutôt que les agitations incessantes du Sud le retinrent dans ce département, toujours est-il qu’il ne se présenta pas à l’assemblée constituante ; et ce fut heureux[1].

Pétion devait nécessairement y primer, ayant le concours d’hommes tels que les deux Blanchet, Théodat Trichet, Bonnet, Lys, Boyer, Daumec, David-Troy, etc., certainement plus capables de manier la parole que la plupart des députés du Nord et de l’Artibonite. Tel était son espoir, en restant dans la légalité, en laissant à chacun la faculté de manifester ses opinions politiques, mais en comptant en même temps sur l’influence des idées, pour voter une constitution conforme aux siennes.

Mais, les députés du Nord et de l’Artibonite étant successivement arrivés au Port-au-Prince dès le 30 novembre, conformément à la circulaire de Christophe, et tous les députés du Sud ne l’étant pas encore, à cause des difficultés nées des agitations, Pétion vit le nombre des pre-

  1. Le général Bonnet m’a dit, que lorsque Gérin vint au Port-au-Prince au secours de cette ville attaquée par Christophe, étant au sénat après cela, Gérin fit à ses collègues, notamment à Bonnet, le reproche d’avoir constitué le pays en République. Ses idées à cet égard étaient d’ériger un État sous le nom de Caciquat, et de donner au chef du gouvernement une autorité analogue à celle des Caciques aborigènes d’Haïti. Il eût voulu aussi un privilège en faveur des enfans des signataires de l’acte d’indépendance. Bonnet soutenant qu’il eût été inconvenant de rappeler les formes primitives d’un peuple qui n’existait plus depuis des siècles, et la nécessité de l’égalité entre tous les citoyens, Gérin se fâcha, en disant : « Mais diable ! le fils du général Gérin ne peut pas être l’égal d’un premier venu ! » Voilà de ces idées qui l’empêchèrent d’exercer aucune influence, qui faisaient rire de lui.