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ture, et qui voulait reconstituer le despotisme antérieur ! Mais Pétion qui les comprenait, qui avait des entrailles pour les pères, les mères et leurs enfans ; qui pensait à faire d’abord, un citoyen de chaque soldat de son pays, afin d’en finir avec les procédés et les horreurs du despotisme[1] : Pétion ne contraignit pas plus les soldats déserteurs de la 10e et de la 20e à retourner au Mirebalais, qu’il ne l’avait fait à l’égard des jeunes gens de familles du Port-au-Prince, déserteurs de Marchand. À ses yeux, un cultivateur de la plaine du Cul-de-Sac était l’égal de Jérôme Goustard, et avait autant de droits à voir son fils auprès de lui et de sa femme.

Voilà les motifs de sa conduite envers tous ces déserteurs. Qui osera le désapprouver ?

Christophe l’a osé cependant. Ces faits occasionnèrent entre lui et Pétion une correspondance virulente de son côté, modérée et habile du côté de Pétion. Il y joignit des reproches amers, relativement à une mission qu’il envoyait remplir dans le Sud par le général Dartiguenave, et que Pétion paralysa, avec raison.

Cette mission avait pour but apparent — « d’y prêcher l’ordre, la tranquillité, la subordination et l’obéissance au chef du gouvernement ; de recevoir toutes les plaintes qui pourraient lui être faites ; de prendre à tâche de calmer les esprits et de les disposer à l’oubli de toute haine et de toute animosité de parti ; de ne travailler qu’à maintenir l’union, la fraternité, la bonne foi, qui

  1. C’est par ce motif que Pétion ne voulut point avoir des casernes pour les troupes : sa pensée fut d’en faire des milices organisées, une véritable garde nationale soldée, soumise cependant à un régime exceptionnel, mais qui pût comprendre les institutions républicaines qu’il fonda et s’y attacher par leur douceur.