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Après le départ de Bonnet du Cap, le chef provisoire du gouvernement sentit, de son côté, la nécessité de parler au peuple et à l’armée : il le fît dans l’acte suivant, daté du 2 novembre :

L’événement qui vient de vous rendre à un sort plus digne de vos sacrifices et de vos travaux, qui, en détruisant l’arbitraire dont vous aviez à vous plaindre, vous prépare un avenir heureux, doit être le nœud indissoluble de notre union et le rempart de notre félicité. C’est n’avoir rien fait que de détruire une mauvaise administration[1], sans lui en substituer une meilleure et sans se garder des désordres de l’anarchie trop faciles à se glisser dans la transition politique d’un régime à un autre. Souvenez-vous que le gouvernement qui va désormais garantir vos droits et assurer le prix de vos privations, demande de vous l’obéissance, le maintien exact de l’ordre et de l’union, le respect de vos chefs, l’observation de la discipline militaire et l’exécution des lois. Voilà les conditions sans lesquelles il lui est impossible de faire un pas dans la carrière qui vient de lui être ouverte.

Vous, militaires de tous grades, qui, depuis quatre ans, n’avez cessé de soutenir, sous des chefs distingués, l’honneur du drapeau d’Haïti, voudriez-vous perdre en un jour, et votre réputation et la récompense qui vous est destinée ? voudriez-vous renverser sur vos têtes, l’édifice de notre indépendance et de notre liberté, et nous exposer, par sa chute, à l’ironie des nations ? Avez-vous oublié les préceptes de cette discipline qui a fait distinguer, même par nos ennemis, votre mérite et votre bravoure ? Souvenez-vous que le soldat n’est pas digne de ce nom, lorsqu’il s’écarte du sentier de ses devoirs. Souvenez-vous que la sûreté de l’État, celle de vos familles, des citoyens et des propriétés, dépendent de votre obéissance à vos chefs. Le gouvernement a les yeux ouverts sur vous ; il sait quelles ont été vos privations ; il s’occupe à chaque instant de pourvoir, d’avance, aux moyens d’assurer votre équipement, votre paie et

  1. Ce mot d’administration pouvait s’entendre dans le sens de gouvernement ; mais c’était dans son sens propre qu’on l’employait ici, afin de réserver jésuitiquement la question du gouvernement, à résoudre par la nouvelle constitution.